Monachisme et œcuménisme
Dans cette épiclèse – qui est aussi invocation pour que tous les frères et les sœurs reçoivent l’Esprit pour être plus fidèles au Christ et pour atteindre la stature des chrétiens mûrs – le désir de communion ne peut pas être absent. Et si le monachisme est «accueil du Christ qui vient» (Olivier Clément), cela ne se restreint pas à une dimension seulement eschatologique, mais prend son sens dans l’accueil de celui qui vient: «J’étais un étranger et vous m’avez accueilli» (Mt 25,35). Accueil de celui qui arrive même de façon inattendue, sans s’être annoncé, accueil de celui qui devient frère même si sa provenance le rendait hostile, accueil qui ne se soucie pas de l’appartenance confessionnelle… Les monastères devraient afficher sur leurs portes et imprimer dans les cœurs de leurs membres ces paroles écrites par Angelo Roncalli en 1934, alors qu’il était nonce en Bulgarie: «Si quelqu’un passe devant ma maison de nuit, il trouvera à ma fenêtre une lumière allumée: frappe! frappe! Je ne te demanderai pas si tu es catholique ou orthodoxe, mon frère: entre! Deux bras fraternels t’accueilleront, le cœur chaleureux d’un ami te fera fête!» En ces années-là de début de siècle, très peu de religieux étaient des sentinelles vigilantes, mais Dieu préparait une heure, celle du concile, où il les réveillerait et les inviterait à distinguer les nouveaux signes des temps, à travers le pape Jean XXIII!
L’accueil de l’autre, de celui qui est différent, de celui que l’on ne connaît pas, et la reconnaissance de sa qualité de frère dans la foi, quand il est chrétien, sont attestés partout aujourd’hui dans la vie monastique. Se confirme ce que disait le père Païssius, le grand charismatique du Mont-Athos, en 1969: «Lorsque des moines viendront de l’Occident, amenez-les ici. Nous nous comprendrons tout de suite!» Vraiment, quand des moines de différentes confessions se rencontrent fraternellement, souvent l’événement de la communion se produit, voire celui de l’intercommunion vraie, profonde, non pas sacramentelle mais dans l’Esprit Saint. On se sent un; les barrières confessionnelles n’existent plus. On se sent frères, entre moines, qui partagent la même expérience et se reconnaissent, dans le sens fort du terme, dans une même grâce, dans un même esprit, dans une même recherche visant une fin unique: l’acquisition de l’Esprit Saint pour être transfigurés en Christ et prendre part au Règne de Dieu. Oui, les moines qui se rencontrent en vérité se découvrent souvent frères, parfois même extrêmement proches.
Tiré de:
ENZO BIANCHI, Monachisme et œcuménisme
Edizioni Qiqajon, Bose, 2000