Monachisme et œcuménisme
Extraits d'une conférence de Enzo Bianchi
(…) Il faut faire d’abord un préambule: le monachisme constitue un phénomène humain avant même d’en être un chrétien. Présent dans toutes les grandes religions, même dans celles comme l’islam qui ont cherché, de fait, à le nier, il se nourrit d’une anthropologie propre. Le célibat, la vie communautaire ou la solitude, la recherche de l’absolu, l’ascèse sous ses différentes formes: tous ces éléments façonnent une vie à tel point marquée dans la chair, dans le corps, dans toute la personne, qu’ils induisent, de fait, à la conscience d’une similitude, d’une «monotropie» entre ceux qui les vivent dans des contextes religieux pourtant différents. Ce n’est pas par hasard que Thomas Merton a pu affirmer qu’il se sentait plus proche d’un moine bouddhiste que d’un ecclésiastique de l’appareil catholique…
C’est précisément pour cette raison que le dialogue interreligieux est pratiqué avant tout dans les monastères. À partir de la seconde moitié des années soixante (le congrès monastique inter-religieux de Bangkok, au cours duquel Merton trouva la mort, date de 1968), il croît et s’intensifie de manière peu visible mais intense et profonde, surtout à travers la pratique de l’accueil réciproque et de séjours dans les monastères, et même du partage de la vie quotidienne et de certaines pratiques ascétiques.
N’est-ce peut-être pas pour cette raison anthropologique, aussi, que le monachisme est resté longtemps une présence modeste mais significative dans les Églises de la Réforme, jusqu’à réapparaître – timidement au XIXe siècle et avec toujours plus de force au XXe – comme une forma vitae ayant pleinement le droit à l’existence, une vie au fort rayonnement spirituel dans les Églises protestantes elles-mêmes?