Persévérer dans l’espérance

 

Combien actuelles nous apparaissent ces paroles de Dietrich Bonhoeffer, témoin du Christ parmi ses frères en une saison de martyre pour les chrétiens qui avaient refusé tout compromis avec la barbarie nazie : « La perte de la mémoire morale n’est-elle pas la raison de la ruine de toutes nos attaches à autrui : amour, mariage, amitié, fidélité ? Rien ne tient, rien n’est fixe. Tout est à court terme et à brève portée. Mais les manifestations de la justice, de la vérité, de la beauté, bref toutes les grandes actions ont besoin de beaucoup de temps, de stabilité, de ‘mémoire’ ou bien elles dégénèrent. Celui qui n’a pas l’intention de répondre d’un passé et de façonner un avenir, ‘n’a pas de mémoire’, et j’ignore comment on peut saisir un tel personnage, le rendre conscient et le forcer à vous faire face ». Écrites voilà presque quarante ans, ces lignes posent le problème de la fidélité et de la persévérance : des réalités rares aujourd’hui, des mots que nous ne savons plus décliner, des dimensions parfois même ressenties comme suspectes ou dépassées et dont – pense-t-on – seul quelque nostalgique des « valeurs d’antan » pourrait souhaiter le retour.

Or si la fidélité est une vertu essentielle à toute relation interpersonnelle, la persévérance est la vertu spécifique du temps : elles nous interpellent donc toutes deux sur notre relation à l’autre. Plus encore, les valeurs que tous proclament grandes et absolues existent et prennent forme uniquement grâce à elles : qu’est-ce que la justice sans la fidélité d’hommes justes ? Qu’est-ce que la liberté sans la persévérance de personnes libres ? Aucune valeur ni vertu n’existent sans persévérance et sans fidélité ! Aujourd’hui, en ce temps brisé et sans liens, ces réalités prennent la forme d’un défi pour tout être humain et, en particulier, pour le chrétien. Mais comment reconnaître sa propre fidélité si ce n’est à partir de la foi en Celui qui est fidèle ? En ce sens, le chrétien « fidèle » est celui qui est capable de memoria Dei, qui se souvient de l’action du Seigneur : la mémoire toujours renouvelée de la fidélité divine est ce qui peut susciter et soutenir la fidélité du croyant au moment même où elle lui révèle sa propre infidélité. Et c’est exactement ce qui, au cœur de la vie de l’Église, se produit dans l’anamnèse eucharistique.

C’est là, au cœur de notre foi, que nous devons revenir pour retrouver espoir contre toute espérance, pour retrouver une respiration capable de nous ouvrir à nouveau des horizons de vie en plénitude, parce que rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu et de l’Évangile qui nous en a fait le récit.

Les frères et les sœurs de Bose

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(en langue italienne seulement)