Conclusions of the Conference

Bose, 9-12 settembre 2009
XVII International ecumenical conference on Orthodox spirituality
Bose, 12 September 2009
XVII Ecumenical Conference
by Fr MICHEL VAN PARYS
Nous clôturons ce matin le XVIIe Colloque œcuménique international de spiritualité orthodoxe, consacré au combat spirituel du chrétien

Bose, 12 September 2009
Bose, 12 September 2009
Fr MICHEL VAN PARYS

XVII International Ecumenical Conference
on Orthodox spirituality

Bose, Wednesday 9 - Saturday 12 September 2009

in collaboration with the Orthodox Churches

SPIRITUAL STRUGGLE
IN THE ORTHODOX TRADITION



Bose, 12 September 2009

Conclusions read by Fr MICHEL VAN PARYS
on behalf of the 
Scientific Commitee of the Conference

Listen to address:
(in French)

 

Nous clôturons ce matin le XVIIe Colloque œcuménique international de spiritualité orthodoxe, consacré au combat spirituel du chrétien. L’amitié de la communauté de Bose nous offre, année après année, avec une hospitalité généreuse, le cadeau d’une rencontre amicale et studieuse. Cette même amitié m’a doucement contraint à vous proposer quelques réflexions de synthèse de notre symposium. Voici donc ce qu’un moine latin a appris ces jours-ci en se mettant à l’écoute de la tradition spirituelle orthodoxe.

1. Nous avons pu constater une convergence remarquable entre la méditation biblique et la méditation théologique sur le combat spirituel. La lutte spirituelle du chrétien n’est rien d’autre que la réponse active à la grâce de la foi et du baptême. « Tes péchés te sont pardonnées. Va, désormais ne pèche plus », dit Jésus au pécheur. Le sacrement du baptême nous immerge mystiquement dans la mort et résurrection de Jésus-Christ. Comment demeurer dans cette vie nouvelle que l’Esprit du Christ suscite en nous par les sacrements, et l’eucharistie en particulier ? Comment vivre sous le regard et en présence de Dieu ? Comment veiller sur son cœur, centre mystérieux de notre personne, ce cœur humain inquiet, créé pour aimer Dieu et le prochain, et pourtant enclin au mal comme le constatent déjà les premières pages du premier livre des saintes Ecritures ? Comment ne pas trahir le don gratuit de Dieu ? Commenta vaincre cette résistance en moi contre la grâce de Dieu ?

C’est ici qu’intervient le combat spirituel, l’ascèse joyeuse qu’est la vie en Christ Jésus sur cette terre. Le Verbe incarné, dans son humanité, est le modèle à imiter dans la lutte spirituelle. « Ayez en vous les sentiments du Christ », écrit saint Paul aux chrétiens de l’Eglise de Philippes (Ph 2,5). L’hymne qui suit appelle à imiter le Christ Jésus, à marcher dans ses pas.

« Lui de condition divine,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
Mais il s’anéantit lui-même,
prenant la condition d’esclave,
et devenant semblable aux hommes.
S’étant comporté comme un homme,
il s’humilia plus encore,
obéissant jusqu’à la mort,
et à la mort sur une croix » (Ph 2,6-8).

Kénose et humilité du Christ Jésus. Le combat spirituel, plus encore que de se porter contre les passions et les « pensées » (logismoi, cogitationes), se déploie pour la victoire en nous du Christ ressuscité, de son humble amour des hommes.


2. « Repentez-vous, car le Royaume de Dieu est tout proche. » Ce sont les premières paroles de Jésus dans son ministère public. Inlassablement, les apôtres et les Pères exhortent le chrétien à la repentance (metanoia). L’homme se reconnaît faible et pécheur devant Dieu et devant ses frères, et met sa confiance en la miséricorde de Dieu. La tradition monastique attachera la plus grande importance au repentir intérieur et extérieur. Dieu ne dédaigne pas un cœur contrit et humilié (cf. Ps 50,19). Saint Jean Climaque, en particulier, fait l’éloge du deuil (penthos), de la componction (katanyxis) et des larmes. Les larmes constituent-elles un nouveau baptême ? Ne devrions-nous pas plutôt comprendre qu’elles renouvellent la grâce du baptême ? Quoi qu’il en soit, la question posée touche au rapport entre l’ordre sacramentel et l’expérience spirituelle intime du chrétien et du moine.

3. Le combat spirituel est ascèse. Avec saint Maxime le Confesseur, nous pouvons interpréter le mot comme signifiant « entraînement discipliné » (disciplined training). L’ascèse est intérieur et extérieure. Elle a pour but, avec l’aide du Saint-Esprit, de purifier le cœur en disciplinant les pensées de l’âme et les passions du corps. La praktiké, le labeur du combat contre les passions désordonnées et pour l’acquisition des vertus (de la crainte de Dieu à l’amour) est le long chemin de la repentance ou conversion.

En dehors de quatre témoignages sur la formation à la vie spirituelle aujourd’hui en Grèce, en Bulgarie, en Serbie et en Russie, et abstraction faite des conseils des saints Barsanuphe et Jean de Gaza (VIe siècle), si opportunément actualisés, il a été peu question, somme toute, de la lutte contre les péchés et les vices. Peut-être même pas suffisamment. Avons-nous assez pris en considération la lutte contre le malin, combattu par Jésus au désert et au jardin de Getsémani, et don nous demandons notre Père au ciel, dans l’oraison dominicale, de nous délivrer ?

A plusieurs reprises, cependant, nous avons réfléchi à la racine du péché et des vices : la philautie (philautia). Pouvons-nous la définir comme l’idolâtrie de soi ? Elle se comprend mieux en la mettant en contraste avec la kénose et l’humanité de Jésus évoquée en Ph 2,6-11. Il ne s’approprie pas, il ne saisit pas comme une proie son être-Dieu, il se décentre vers le Père et vers notre humanité. Son ascèse est celle de l’obéissance du nouvel Adam (cf. Rm 5).
Sans doute devons-nous rattacher l’ouverture des pensées du cœur (exagoreusis) dans cette perspective de l’apprentissage de l’obéissance d’amour de Jésus-Christ.


4. La psychologie moderne est venue à notre secours pour nous aider à mieux cerner cette philautie, dont l’orgueil est l’aboutissement ultime, comme l’avaient déjà compris les Pères du désert. Déjà saint Antoine le Grand notait que l’orgueil est l’ultime tentation du moine et que l’humilité est son antidote absolu.
La grande tradition monastique avait déjà analysé les méandres psychologiques infinis de l’orgueil (idolâtrie du soi incertain et non aimé ?), comme elle a discerné les périlleux progrès dans l’humilité (saint Macaire d’Egypte, Epistula ad filios Dei ; saint Benoît, Règle 7 ; saint Jean Climaque, Echelle). Cette mise en parallèle des résultats des recherches contemporaines en psychologie et de la tradition (saint Jean Climaque en particulier) donne à penser et ouvre des perspectives pour la formation des nouvelles générations monastiques au combat spirituel.
Ne pourrions-nous pas définir l’ascèse de l’humilité comme cette attention admirative d’autrui (mon frère est meilleur – diraient les moines) et comme la juste estime de soi des serviteurs de la parabole qui ont reçu cinq et deux talents ?

5. L'ascèse est une lutte pour arriver à la vérité sur soi devant Dieu, à ses propres yeux et devant le frère, la sœur. Elle est aussi un combat pour l'agape. Mieux vaut sans doute traduire agape par le verbe aimer. Saint Maxime le Confesseur nous a rappelé que la création de l'homme et sa re-création en Christ Jésus, notre nature authentique, n'a d'autre but que l'homme puisse recouvrer librement sa capacité d'aimer Dieu et le prochain. La lutte contre les passions (contre nature, para physin) conduit, avec l'aide de Dieu, à l'apatheia (l'impassibilité) qui habilite l'homme à la communion d'amour avec Dieu et avec le autrui. Saint Luc de Simphérapol est un exemple merveilleux de cette agape, aimer dieu et le prochain.
Le fruit du combat pour l'agapé est aussi l'unification intérieure_ de l'homme, l'intégrité de son être-corps, âme et esprit. « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, là je suis au milieu d'eux » (Mt 18,20). Depuis Clément d'Alexandrie au moins, cette union s'entend déjà de l'unification de la personne, corps, âme et esprit. Jean Climaque (Ad pastorem 100), saint Serge de Radonège et saint Séraphim de Sarov nous l'ont rappelé:

« Que l'esprit et le cœur soient unis dans la prière et que les pensées de l'âme ne soient pas dispersées … Le cœur est ardent de ferveur spirituelle, et dans cette ferveur resplendit la lumière du Christ, qui remplit l'homme intérieur tout entier de paix et de joie » (Saint Séraphim de Sarov).


6. Le cœur de l'homme est le lieu de la rencontre avec Dieu, de sa visite. Il est aussi le lieu où se déroule le combat spirituel. Lieu d'écoute de la Parole de Dieu qui purifie le cœur, lui donne intelligence et sagesse, lui donne la force de l'obéissance. Lieu et source des pensées de méchanceté, enseigne Jésus (Mc 7,21-23; Mt 15,19), le cœur doit devenir libre et s'unifier comme nous l'avons entendu à plusieurs reprises.
Mais il y a d'autres lieux du combat spirituel: le monde en sa mondanité et l'Eglise qui toujours de nouveau doit se laisser conduire au désert par son Epoux.
Le métropolite Georges (Khodr) nous a rappelé que le combat spirituel du chrétien n'a pas seulement lieu dans le cœur de chaque croyant. Il a pour enjeu l'unité de l'Eglise de Dieu et la communion entre les Eglises de Dieu. Dans l'Eglise se poursuit le combat du Christ Jésus pour rassembler dans l'unité les enfants dispersés de Dieu (Jn 11,52). « Dans le combat spirituel pour l'unité de l'Eglise, la crédibilité de l'Eglise sur terre est en fonction de son témoignage de communion ecclésiale. Or la communion ecclésiale a un langage, celui de l'amitié d'abord. » (Georges Khodr).
A ce niveau aussi, la kenosis, l'anéantissement jusqu'à la mort sur la croix du Messie, trace un chemin d'humilité pour les Eglises. Purifiées par le sang du Verbe incarné, elles mèneront le beau combat de la foi (cf. 1Tm 1,18) pour que la charité prévale.
Et le métropolite Kallistos nous propose un enseignement tout proche, celui du combat pour le salut des hommes et des femmes, nos contemporains.


7. « Il y a plus de bonheur à recevoir qu'à donner »: avons-nous bien compris cette parole de Jésus? Tout au long de l’histoire de l'Eglise, même après les ruptures et les anathèmes, les échanges se poursuivent. L'Eglise latine doit tant aux traditions grecques, syriaques, coptes… L'Esprit saint, de toute évidence, ne tient pas compte des barrières confessionnelles. Comment expliquer autrement que Isaac, évêque « nestorien » de Ninive, ait été reçu et est reçu par nos  Eglises comme un saint docteur de la vie spirituelle? Il est entre les mains des moines de la sainte montagne de l'Athos, des moines d'Optina, des moines de Sihastria, des moines coptes de Scété, des moines éthiopiens.
Nous recevons des « saints » que l'Esprit suscite dans les Eglises divisées, nous les traduisons, nous les recevons. Nous pouvons faire confiance à l'action du Saint-Esprit. Nous l'avons vécu ensemble ici cette semaine à Bose. L'échange des dons, oui. Car le dialogue de la charité précède et accompagne le dialogue théologique de la vérité.
Le combat spirituel sera nôtre jusqu'à notre dernier souffle. Tel fut déjà la mise en garde de saint Antoine le Grand. Avec saint Jean Colobos, un autre géant spirituel du désert, apprenons que la lutte spirituelle nous est nécessaire, car elle nous rappelle notre misère de pécheurs:

"Abba Poemen a raconté ceci au sujet d'abba Jean Colobos. Il supplia dieu et les passions lui furent enlevées. Et en cela il devint sans souci (amerimnos). Il s'en alla trouver un ancien et lui déclara: "Je constate que j'ai le repos (anapauomenos) et que je n'ai aucun combat." L'ancien lui répondit: " Va, supplie dieu que le combat te vienne, car l'âme progresse grâce aux combats." Et lorsque vint le combat, il ne pria plus que le combat lui fut enlevé, mais il dit: "Seigneur, donne-moi la patience (hypomone) dans les combats." » (Jean Colobos 13).

Byzantine style, egg tempera cm 32x40
Byzantine style, egg tempera cm 32x40
The icons of Bose, Jacob's struggle
Conclusion

Tout au long de ces quatre jours de notre symposium, nous avons pu admirer l'icône peinte à notre intention, celle du combat de Jacob.
Dans le fond, un peu au loin, nous voyons Jacob endormi à Bethel (la maison de Dieu), voyant en songe l'échelle qui relie la terre au ciel, ainsi que les anges de Dieu qui y montent et descendent. Jacob fuit la fureur de son frère Esaü, quitte la Terre promise et en même temps la présence du Dieu d'Abraham et d'Isaac (Gn 28). Sur l'avant-plan, nous voyons Jacob qui lutte avec l'ange (Gn 32). Il revient en cette même Terre promise, comblé de douze fils et de biens considérables. Mais avant de rencontrer son frère Esaü avec crainte et tremblement, et afin de pouvoir se réconcilier avec lui, Jacob est surpris par l'ange de Dieu, qui lutte avec lui toute la nuit, jusqu'à l'aube. Combat mystérieux qui fait de Jacob un voyant de Dieu, Israël, et aussi le blesse pour le restant de ses jours.

A sa manière, l'icône décrit picturalement l'ambigüité, ou mieux le paradoxe pascal, du combat spirituel du chrétien. Notre nature humaine blessée y devient ce qu'elle est par la grâce du baptême, de la chrismation et de l'eucharistie, morte et vivifiée en la croix et la résurrection de Jésus-Christ. Le contexte scripturaire de l'Icône nous renvoie également à la rencontre avec le frère, le frère ou la sœur dans la foi et la filiation divine baptismale, le frère ou la sœur aussi en humanité. Le combat spirituel élargit notre cœur, afin qu'il apprenne à accueillir le don de Dieu, afin qu'il s'ouvre à l'amour du prochain, afin qu'il se laisse purifier, unifier par le Saint-Esprit.

p. MICHEL VAN PARYS
on behalf of the Scientific committee

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